Protéines, muscle et sarcopénie : comment préserver votre masse musculaire avec l’âge

Comprendre l’ennemi invisible

La sarcopénie débute insidieusement dès l’âge de 30 ans, avec une perte musculaire estimée à environ 1 % par an, qui s’accélère après 60 ans. Cette évolution naturelle est accentuée par l’inactivité, une alimentation déséquilibrée, ou encore certaines maladies chroniques. Avec le temps, elle entraîne une réduction de la force, une plus grande difficulté à accomplir des gestes simples comme monter des escaliers ou se lever d’un fauteuil, et un risque accru de chute, de fracture et de dépendance.

Les recherches récentes ont clarifié la définition de cette pathologie. Elle ne se limite pas à une baisse de volume musculaire visible, mais s’accompagne d’une altération de la qualité du muscle, de sa fonction contractile et de son métabolisme. On parle désormais de sarcopénie lorsque la perte de masse est associée à une baisse mesurable de la force et de la performance physique.

La protéine : une clé nutritionnelle pour préserver les muscles

Le muscle est un tissu vivant qui se renouvelle constamment. Ce renouvellement repose sur un équilibre entre deux processus opposés : la synthèse et la dégradation des protéines musculaires. Lorsque l’apport nutritionnel est insuffisant ou que le muscle n’est pas stimulé, le bilan devient négatif, entraînant une perte de masse.

La protéine alimentaire, constituée d’acides aminés, fournit les briques nécessaires à la réparation et à la croissance musculaire. Parmi ces acides aminés, la leucine joue un rôle particulièrement crucial. Elle agit comme un signal métabolique déclencheur de la synthèse musculaire, via une voie appelée mTOR. C’est pourquoi sa présence en quantité suffisante dans les repas est essentielle, surtout avec l’âge.

Contrairement aux recommandations traditionnelles, qui proposent 0,8 gramme de protéine par kilo de poids corporel par jour, les études actuelles indiquent que ces apports sont largement insuffisants pour les personnes âgées ou actives. Un adulte souhaitant préserver sa masse musculaire devrait viser entre 1,2 et 1,6 g/kg/jour. Pour une personne âgée ou en période de réhabilitation, ces besoins peuvent monter jusqu’à 2,0 g/kg/jour. Cela représente, par exemple, environ 110 à 140 grammes de protéines par jour pour une femme de 70 kg.

La répartition des apports sur la journée est également un paramètre déterminant. Il ne suffit pas d’avoir une grande portion de protéines le soir. Il est préférable de viser environ 25 à 35 grammes par repas, incluant suffisamment de leucine (au moins 2,5 à 3 g par prise), afin de stimuler plusieurs fois par jour la synthèse protéique.

L’exercice musculaire : un allié indissociable de la nutrition

Aussi importante soit-elle, l’alimentation protéinée ne peut, à elle seule, préserver la masse musculaire si le muscle n’est pas activé. Le stimulus mécanique, généré par la contraction musculaire contre une résistance, est le seul moyen naturel d’activer pleinement le renouvellement des fibres musculaires. L’exercice agit comme un catalyseur qui rend le muscle plus sensible aux effets anabolisants des protéines.

Avec l’âge, les muscles deviennent plus “résistants” à l’anabolisme. Cette résistance signifie qu’une quantité plus importante de protéines est nécessaire pour obtenir la même réponse qu’un individu plus jeune, mais aussi que l’exercice doit être adapté et suffisamment intense pour recréer une véritable stimulation.

La pratique d’exercices de renforcement musculaire est donc essentielle. Il ne s’agit pas ici de soulever des poids extrêmes, mais de réaliser des mouvements simples, à répétition, avec ou sans charges, sollicitant les grands groupes musculaires. Marcher, nager ou faire du vélo reste bénéfique, mais c’est bien l’entraînement de type résistance – avec haltères, bandes élastiques, ou même des mouvements au poids du corps – qui stimule le plus efficacement la croissance musculaire.

Il est recommandé de pratiquer au minimum deux à trois séances de renforcement musculaire par semaine, d’une durée de 30 à 45 minutes. Même chez des personnes très âgées ou fragilisées, des exercices adaptés permettent d’observer des améliorations significatives de la force, de l’équilibre et de la qualité de vie.

Stratégies pratiques pour préserver la masse musculaire au quotidien

Il est tout à fait possible d’intégrer dans la routine quotidienne des gestes simples qui favorisent la santé musculaire. Au niveau alimentaire, chaque repas devrait comporter une source de protéine de qualité, qu’elle soit d’origine animale (œufs, viandes maigres, poissons, produits laitiers) ou végétale (tofu, lentilles, pois chiches). Les protéines végétales, bien que parfois moins riches en leucine, peuvent être parfaitement adaptées si elles sont bien combinées.

Les collations peuvent également jouer un rôle stratégique, notamment chez les personnes âgées dont l’appétit est réduit. Un yogourt grec, une boisson protéinée, un œuf dur ou du fromage cottage peuvent facilement compléter l’apport quotidien.

Sur le plan physique, intégrer des exercices dans la routine est plus simple qu’il n’y paraît. Monter les escaliers au lieu de prendre l’ascenseur, porter ses sacs de courses, faire des flexions contre un mur, ou encore pratiquer du tai-chi ou du pilates sont autant d’activités qui activent la musculature. Ce sont les efforts répétés, dans la durée, qui font toute la différence.

La sarcopénie et la santé globale : un indicateur du vieillissement réussi

Il est aujourd’hui reconnu que la sarcopénie est étroitement liée à d’autres troubles liés au vieillissement. Un individu qui perd du muscle devient moins actif, ce qui accroît le risque de développer un diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires, une ostéoporose ou encore une détérioration cognitive. Le muscle n’est pas qu’un moteur de mouvement : il participe activement au métabolisme global, au système immunitaire et à l’équilibre hormonal.

Préserver sa masse musculaire revient donc à investir dans une meilleure santé globale. Cette démarche n’est pas réservée aux sportifs ou aux passionnés de performance. Elle concerne chacun de nous, dès l’âge adulte, et d’autant plus à partir de 50 ans.

Les professionnels de santé, et en particulier les ostéopathes, ont un rôle important à jouer dans la sensibilisation, l’éducation et l’accompagnement des patients sur ces questions. Encourager à bouger, à mieux manger et à surveiller l’évolution fonctionnelle musculaire fait partie intégrante d’une approche préventive moderne.

La perte de masse musculaire n’est ni une obligation liée à l’âge, ni une simple fatalité. Elle résulte de choix quotidiens, de contextes modifiables et de comportements adaptables. Adopter une alimentation riche en protéines, bien répartie dans la journée, et intégrer des exercices musculaires simples et réguliers, permet de ralentir, voire d’inverser, la sarcopénie.

Que vous ayez 30, 50 ou 75 ans, il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour prendre soin de votre masse musculaire. C’est une assurance santé à long terme, pour vivre plus longtemps, mais surtout pour vivre mieux.

Laurent-Olivier Galarneau D.O.

Références

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Deutz NE et al., Protein intake and exercise for optimal muscle function with aging: recommendations from the ESPEN Expert Group, Clinical Nutrition, 2014.

Moore DR et al., Protein ingestion to stimulate myofibrillar protein synthesis requires greater relative protein intakes in healthy older versus younger men, J Gerontol A Biol Sci Med Sci, 2015.

Tieland M. et al., Protein supplementation increases muscle mass gain during prolonged resistance-type exercise training in frail elderly people, J Am Med Dir Assoc, 2012.

EWGSOP2, Sarcopenia: revised European consensus on definition and diagnosis, Age and Ageing, 2019.

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